Depuis que je travaille dans la Mode, je ressens le grand frisson au lancement de chaque nouvelle collection, à la sortie de chaque nouveau produit !
J’aime savoir quelle pièce fonctionne le mieux.
Pourquoi celle-ci plus qu’une autre ? Un manteau, un jean ou même un t-shirt…
Découvrir LA « masterpiece » de la saison me donne l’impression de palper l’air du temps.
Mais qui donc murmure aujourd’hui la tendance aux oreilles du public ?
Des salons de Versailles aux boudoirs connectés, suivez-moi dans les penderies des trend-setters !
La première influenceuse mode reste incontestablement Marie-Antoinette, accompagnée de son « Ministre des modes », Rose Bertin.
Ensemble, elles distribuaient des leçons de tendance à toutes les cours d’Europe.
Et que dire de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon 1er ?
Surnommée l’impératrice de la mode, elle participa à en propager les nouveaux codes lors de ses voyages à l’étranger, faisant rayonner la coquetterie à la française.
Telles étaient les premières fashionistas de l’époque avant – ellipse temporelle – la révolution Wintour.
Aujourd’hui, celles qui font la mode ont des noms de scène et des followers.
D’ailleurs, je repense souvent au documentaire de R.J Culter qui suivait, en 2009, Anna Wintour dans la fabrication du numéro de septembre du Vogue américain, l’incontournable « September Issue ».
La voir scruter le moindre détail, de la présentation des collections par des couturiers transis d’appréhension au bon-à-tirer tant attendu par son équipe après des mois de travail…
Ces images démontrent l’impact de ce numéro de septembre sur les ventes.
On n’oubliera pas de sitôt Diana Vreeland du Harper’s Bazaar, Hélène Lazareff fondatrice de ELLE ou Carine Roitfeld du Vogue français, visages emblématiques des plus grands magazines de mode et papesses du style.
Aujourd’hui, celles qui font la mode ont des noms de scène et des followers ; elles postent sur leur propre média, animent des communautés, favorisent les échanges et les conversations autour d’un style, d’une marque.
Pourtant, ces deux mondes qui n’ont pas les mêmes codes se retrouvent en « front row » à chaque fashion week, donnant, chacun selon leur média, une inflexion à la tendance.
Leur point commun ? Une ligne éditoriale spécifique pour imposer un style et faire émerger leur personnalité.
Qui sont les « fashion editors » à l’heure du digital ?
Pour être reconnaissable rapidement dans le flux des réseaux sociaux, certains choisissent un cadrage original, d’autres un filtre unique pour habiller toutes leurs photos.
De la même façon qu’Anna Wintour quand elle annonce ne pas vouloir de noir dans les pages de son magazine, c’est un choix, donc une signature.
Mais alors qui a joint ces deux mondes, l’un élitiste et l’autre populaire ?
Je dirais que des blogs précurseurs comme ceux de Garance Doré en tête, Betty Autier ou Louise Ebel (alias Pandora) ont résolument contribué à réinventer des styles, à associer les marques entre elles et à en proposer une autre perception beaucoup plus réaliste.
Les marques se sont dynamisées, voire renouvelées grâce au savoir-faire de ces blogueuses.
De façon spontanée et presque candide, elles étaient devenues les nouvelles prescriptrices de la mode et les « fashion editors » du digital.
D’une part, les marques y ont vu un nouveau procédé pour promouvoir leurs produits à moindre coût et d’autre part elles ont su déceler la force d’identification et de diffusion de ces influenceurs en herbe.
La monétisation des blogs était en marche : les liens et les posts sponsorisés sont apparus et les blogueuses se sont professionnalisées, devenant à la fois ambassadrices éphémères d’une marque et animatrices d’une communauté.
Un équilibre fragile qui n’a pourtant pas vacillé parce que la première démarche de ces blogueuses a toujours été de s’amuser avec la mode.
Elles harmonisent intérêt commercial et objectivité en restant pointues dans leur sélection, intègres dans leurs collaborations avec des enseignes proches de leurs univers et surtout reconnaissantes envers leurs communautés, vraies responsables de leur visibilité.
Par ailleurs, les marques se sont dynamisées, voire renouvelées grâce au savoir-faire de ces blogueuses et à leur excellente maîtrise des réseaux sociaux.
Elles prescrivent donc à la fois aux acheteurs et aux marques.
Aujourd’hui, la porte d’entrée est celle des réseaux sociaux. Le blog est un média consolidé par des relais tels que Facebook ou Instagram.
Les blogueurs sont tour à tour des youtubeurs, des instagramers, des twittos et des snapchatteurs.
L’heure est à la déclinaison des canaux.
Désormais, on crée sa chaîne YouTube avant son blog comme c’est le cas de Sananas, youtubeuse depuis 2011 et blogueuse depuis 2014.
D’ailleurs, faites l’expérience par vous-même : tapez « Enjoy Phoenix« , star des youtubeuses françaises, dans votre barre Google et voyez à quel rang son blog se hisse.
Je ne fais pas durer le suspens plus longtemps : au 4e, après sa chaîne YouTube, son compte Instagram, puis son compte Twitter.
Voilà l’idée que l’on peut se faire du bouche-à-oreille à l’heure du digital, cependant, je ne crois pas que la communauté du blogueur ait besoin d’être si gigantesque qu’on ne le pense pour apporter son souffle au vent de la tendance.
Chiara Ferragni (blog « The blonde Salad ») arrive en tête des blogueuses mode les plus influentes du moment selon un classement daté de février 2016 du site américain Fashionistas et repris sur le site du magazine ELLE.
5,6 millions d’abonnés sur Instagram, mais l’internaute abonné se sent-il proche d’elle ?
Et pourquoi ne préférerait-il pas un « blogueur de proximité » avec lequel il pourra bavarder plus facilement ce qui renforcera son adhésion à l’univers de celui ou de celle qu’il suit.
Tous connectés, tous influenceurs ?
Le bon influenceur est celui qui prend le temps de chuchoter à l’oreille de chacun sa vision du style.
À la marque d’attendre que la rumeur s’étende.
Ce n’est donc plus elle qui est au cœur des échanges mais celui ou celle qui la porte avec sa façon de l’investir, de la vivre.
Comme je le disais dans mon article précédent sur l’histoire du jean qui nous colle à la peau depuis 700 ans, je crois très fort à la part émotionnelle du vêtement et je suis toujours touchée lorsque je constate dans la rue qu’une personne s’approprie une pièce Kaporal.
J’aime l’idée que quelqu’un puisse s’improviser porte-parole d’une marque
J’aime l’idée que quelqu’un puisse s’improviser porte-parole d’une marque et que son porte-voix, qu’il soit digital ou non, se transmette de main en main.
Si tout est une question de réseau et de relations d’influence pour diffuser une tendance, il existe des leaders d’opinion dans un cercle plus confidentiel qui participent à son impulsion.
Je reste convaincue que l’addition de ces micro-phénomènes a participé à l’émergence des hipsters, par exemple.
Aujourd’hui, cette tendance est devenue un standard, mais cela me paraît évident que cette mode venue des quartiers de Brooklyn à New York n’aurait pas eu le même impact sans le rôle amplificateur des blogueurs.
Les inspirations s’échangent, s’empilent et se dispersent ; l’essence de la mode réside dans sa capacité à se mouvoir avec agilité.
« La mode n’est pas quelque chose qui existe uniquement dans les vêtements. La mode est dans l’air, portée par le vent. On la devine. La mode est dans le ciel, dans la rue. »
Coco Chanel
Je laisse les mots de la fin à Coco Chanel en me permettant d’étirer le fil de sa pensée pour ajouter que nous sommes tous, à notre échelle, des « fashion makers » relayés par des « fashion editors » dont la force de propagation participe à définir les codes vestimentaires de toute une génération.